L’EUR/CHF bat ses records
Au début de ce mois d’octobre, un nouveau conflit a éclaté dans la région la plus explosive de la planète.
Bonjour à tous,
Le risque d’embrasement au proche orient semble considérable. Les marchés s’inquiètent, mais ne s’affolent pas encore. Nous n’avons pas assisté par exemple aux -12% qui avaient touchés les bourses, en une seule séance, lors de la première crise du covid. (de la covid, pardon). Le prix du pétrole n’a pas encore flambé comme le craignent des géopolitologues.
GUERRE/CHF
Alors que les bourses ont accusé le coup et baissées en conséquence, le franc suisse s’est aussitôt envolé vers des sommets jamais atteint ni pendant les COVID, ni depuis le début de la guerre en Ukraine.
La paire EUR/CHF a atteint un plus bas historique. La probabilité d'une intervention de la banque nationale suisse est grande. La BNS qui pourrait soit, décider de tenter de ramener le franc suisse vers la parité pour protéger la bonne santé de l’économie suisse, soit intervenir pour aider les entreprises suisses à passer le cap d'une difficile période de récession déjà annoncée en Europe. Et éviter que la contagion ne gagne la Suisse.
Il faut donc s'attendre à ce que l'institution utilise ses remarquables réserves de change pour donner des coups de semonces à ceux qui seraient tentés d'investir dans le franc suisse, valeur refuge, encore et toujours. Ces réserves se montent à près de 713 milliards de francs suisses actuellement. Malgré une perte au troisième trimestre qui se chiffre en milliards.
En Suisse, on n’a pas de pétrole, mais on a (des idées ?) la BNS !
L’économie suisse commence néanmoins à s’essouffler, et l’on entend de plus en plus que les carnets de commandes des clients étrangers ne se remplissent pas comme avant. Mais les fondamentaux sont extrêmement solides. Selon Brat Bechtel, de chez Jefferies, tout comme les Etats Unis, la Suisse dispose d’une économie résiliente, dynamique, avec un taux de chômage inférieur à 2%, et une balance commerciale de plus en plus excédentaire. Oui mais jusqu’où ?
Ce qui fait de la devise suisse, l’or des monnaies.
Comment un franc suisse, dans une économie saine évoluant à moins de 2% d’inflation, pourrait-il ne pas attirer la confiance des investisseurs ?
Les fondamentaux économiques de la Suisse et le statut de valeur refuge du franc suisse ont mis l’EUR/CHF à rude épreuve cette semaine et tout ce mois-ci. Sans intervention de la BNS et si le conflit qui vient d’éclater s’envenimait, la barre des 0.9000 EUR/CHF pourrait aisément être franchie. Sur fond de prix incontrôlable des matières premières. Et donc de poussée inflationniste. L’EUR/CHF deviendrait lui aussi difficile à retenir dans des parages tolérables pour la balance du commerce extérieur suisse.
19 Octobre 2023, 0.9427 EUR/CHF
Le 19 octobre, l’euro /franc suisse a atteint un point bas historique. Il semble que le taux de change remonte actuellement. La semaine a commencé à 0.9450 eur/chf, puis mardi, le plus haut hebdomadaire a été atteint avec un euro à 0.9520 francs suisses. La baisse a eu lieu mardi soir et le franc suisse a entamé une hausse hier jeudi.
A l’heure à laquelle nous écrivons ces lignes, le franc suisse contre euro vaut 0.9501 EUR/CHF.
Le franc Suisse en cette fin de mois se maintient dans l’attente des évènements géopolitiques déclencheurs autour des 0.9500 EUR/CHF.
Pour rappel, en janvier 2015, lorsque la BNS avait renoncé à bloquer la parité avec l’Euro à 1.20 EUR/CHF, la paire de devises avait chuté très brièvement jusqu’à 0.8517 EUR/CHF pendant quelques heures. Provoquant ainsi la ruée vers tous les bureaux de change de Suisse.
Le dollar quant à lui, qui avait entamé le mois en pleine forme à 0.9245 USD/CHF, a plongé tout le mois jusqu’à 0.8911 USD/CHF ce lundi, avant de se raffermir un peu face au franc suisse. Il se négocie actuellement sur le marché des changes, à 0.9010 USD/CHF.
Chaque annonce géopolitique, chaque bruit de bottes, est un signe qui peut mener le taux de change du franc suisse vers de nouveaux sommets face l’euro et au dollar.
Un point sur les marchés
Swiss Market Index
Parti de 10250 points ce mardi, le SMI se reprend dans une atmosphère d’incertitude. L’annonce de la BCE hier, n’a eu que peu d’effets car le marché s’inquiète des trois trimestres à venir selon l’économiste Hugh Johnson.
Les titres Givaudan (+2% hier), Holcim, Nestlé et Geberit sortent haussiers de la séance d’hier, tandis que 21 des 30 valeurs reculent sur la séance. Notons-en hors sujet que Siemens a chuté de 35% à Frankfort suite à des difficultés dans le secteur de l’éolien. L’économie allemande en déclin observe tout un même un début de rebond en fin de troisième trimestre, ce qui laisse de l’espoir face la récession annoncée.
Brent, cours du baril de pétrole brut en mer du nord
Le cours du brut a suivi le cours des infos, avec des marchés rassurés par une pause dans le risque d’embrasement du conflit au proche orient. Et ce, malgré des frappes américaines hier en Syrie, en ripostes à des frappes qui avaient eues lieu plus tôt dans le mois.
Dans les premiers jours du conflit au proche orient, beaucoup de journalistes et d’experts comparaient la situation actuelle avec celle de 1973. Le conflit avait surpris l’état d’Israël qui ne s’y attendait pas. Mais en raison de leur soutien, les pays occidentaux avaient alors subi un embargo pétrolier qui avait débouché sur une crise économique majeure. On peut aussi craindre que la route d’approvisionnement maritime du golfe persique ne soit coupée.
Tout est possible, une porte s’ouvre sur l’inconnu.
Le monde que nous avons connu craque de toutes parts. Un nouveau monde surgit que l’on nous avait pourtant prédit. Seul, le franc suisse rassure, toujours plus fort, trop peut-être pour les exportations suisses.
Le baril de brut cote actuellement 90,05 dollars, contre 92 dollars en début de semaine. Mais le monde de la finance retient son souffle.
Or
Tout ce qui brille …
L'or monte du fait des achats de banques centrales qui s'inscrivent dans le cadre géopolitique inquiétant que nous traversons. L'or est la valeur d'échange de dernier recours quand rien ne fonctionne plus.
Or, (sans jeu de mots) les états eux même en acquièrent ces derniers temps. La Pologne cette année, a acheté autant d'or, que la Chine, pourtant jusque-là premier acquéreur mondial d'or. Les valeurs réelles des stocks de la Chine se monteraient à 13500 tonnes d’or. Le but de cette énorme détention d’or pour un état peut être d’adosser sa monnaie à une valeur réelle afin d’en garantir l’image et la solvabilité.
Or, (Toujours sans jeu de mot mais avec une répétition) la lutte pour le leadership mondial, amène les régimes qui veulent se « dédollariser » pour échapper aux éventuelles sanctions américaines, à acquérir de l’or. L’inflation risquant très probablement de devenir structurelle dans les années qui viennent, la transition énergétique, les relocalisations la réindustrialisation, poussent les pays à s’armer militairement, certes, mais aussi de valeurs refuge, telles que l’or alors que traditionnellement le métal jaune a tendance à se déprécier en période de taux d’intérêts élevés. (ou encore de réserves de change en francs suisses)
Les investisseurs se précipitants vers des valeurs plus rémunératrices.
A ce jour, l’once d’or pèse 1990 dollars et 31,10 grammes. Elle cotait 1811 dollars le 7 octobre soit 10% d’augmentation depuis l’attaque du hamas et l’explosion du risque géopolitique. Jamais l’expression « le malheur des uns (…) » ne prend autant son sens qu’en ces périodes de crise.
Cryptomonnaies
De l’or également, mais digital. De 27900 USD il y a un mois, le bitcoin a atteint 34000 dollars ces jours-ci. Mais c’est au début de cette semaine que l’or digital est passé de 29700 à 34200 dollars. La capitalisation totale du marché des cryptomonnaies a donc explosée et se monte désormais à 1.26 trillion de dollars soit une augmentation de 250 milliards de dollars.
Les investisseurs cherchent refuge dans des valeurs alternatives aux principaux actifs monétaires, pour contrer le risque systémique bancaire.
Des taux de change aux taux d’intérêt
De l’autre côté de l’atlantique, les taux longs à 10 ans de l’obligation américaine viennent de passer hier à plus de 5%, c’est une première depuis 2007. Auparavant, les taux courts étaient assez élevés et les taux longs beaucoup moins. D’après Jean-Claude Trichet, ancien directeur de la banque centrale européenne, ceci était interprété comme la préannonce d’une stagnation, voire d’une récession. Etant donné l’histoire des taux aux Etats Unis, il considère que l’on sur interprète cette augmentation des taux américains. Pour lui, c’était avant cette hausse, qu’il y avait une anomalie avec des taux longs exagérément bas.
Nous sommes actuellement dans une situation très dangereuse car les banques centrales qui ont augmenté les taux d’intérêt 10 fois en Europe, 11 fois aux Etats Unis, projettent de nous reconduire à la stabilité des prix en 2025. Mais nous sommes toujours dans une période de combat contre l’inflation.
Taux de change sous contrôle ?
Le taux de dépôt de 4% en Europe ralentie les économies, clientes de l’économie suisse. Cette dernière, dont la banque centrale est la seule à avoir atteint ses objectifs, est posée sur des base saines, dans un environnement de plus en plus malsain. Le franc suisse ne peut donc que s’apprécier face à l’Euro. Sauf si la BNS utilise sa réserve de change pour tenter d’inverser la tendance.
Le FMI s’inquiète.
Le FMI attend des banques centrales qu’elles atteignent leur objectif de maitrise des coûts de la vie.
Nous entrons dans l’inconnu. De nouveaux blocs se forment. Ainsi que de nouvelles alliances géopolitiques. Pas plus tard qu’hier par exemple, le président américain, en marge d’un incident entre des navires philippins et chinois, a assuré à son homologue chinois que les Etats Unis entreraient en guerre au côté des Philippines, allié des Etats Unis et ancienne colonie américaines en cas d’attaque avérée contre leur allié. Les deux parties se renvoient la responsabilité dans une région contestée. Les incidents militaires se multiplient. Et l’ambiance a des conséquences économiques.
L’ombre de 1973
Au proche Orient, rien de comparable avec la crise de 1973 pour l’instant.
Les banques centrales ont acquis l’expérience des crises du passé. Le taux de dépôt de 4% en Europe et aux Etats Unis est encore raisonnable.
Lors des 2 chocs pétroliers de 73, suite à l’embargo des producteurs qui a suivi le conflit de la guerre dite, du Kippour, (on peut y voir un risque de parallèle), et à la fin des années 70, une inflation hors de contrôle aux alentours de 14%, à conduit à des taux d’intérêts de 17% et provoqué par exemple une crise des risques souverains en Amérique latine. Ce qui a conduit à la faillite de l’Argentine par exemple, qui ne pouvait plus honorer ses dettes ni changer sa monnaie. Le pays traine ce boulet jusqu’à ce jour. La monnaie argentine n’est plus acceptée dans la plupart des bureaux de change.
4 ou 5 pourcents
Les banques centrales veulent éviter ces situations à tout prix. A 4% de taux d’intérêt en moyenne, les banques centrales restent à un niveau de taux d’intérêts réels court, qui reste négatif par rapport à l’inflation à court terme.
Ces pérégrinations pour les économies des voisins et partenaires de la suisse ont bien entendu une influence considérable sur la santé de l’économie Suisse, et sur le cours du franc suisse.
L'industrie suisse du médicament par exemple, en perte de vitesse risque de délocaliser en Inde, si le franc suisse continu à s’enchérir.
En conclusion
La suisse n’est pas une ile
Bien qu’elle dispose d’une marine, la confédération helvétique dépend pour son économie du monde extérieur. Ses immenses réserves et une excellente gestion lui permettent de retarder la contagion d’une économie européenne au bord de la récession. La capacité de la Banque Nationale à manœuvrer sa propre devise est remarquable, mais pas illimitée. L’EUR/CHF reste sous contrôle et ses taux de change maitrisés. Mais le rôle de valeur refuge du franc suisse est à double tranchant pour l’économie suisse.
Les marchés attendent fébrilement de connaitre l’ampleur et le déroulement des conflits en cours. Le franc suisse s’installe, lui, autour d’un cours de 0.9500 CHF.
X.C.