
EUR/CHF : Suspens et taux de change explosifs
Dans une semaine, sur fond d’incertitudes géopolitiques soudaines, qui font flamber les cours du pétrole, la Banque Nationale Suisse rendra sa décision de de politique monétaire. Les traders d’EUR/CHF retiennent leur souffle, et placent leurs mises comme sur le tapis d’un casino. Mais les enjeux se calculent en milliards de francs suisses. Les jeux ne sont pas faits. Rien ne va plus ? Soit la Banque Nationale Suisse abaisse de 0,25% ses taux d’intérêts directeurs, comme le pensent une partie des experts, et les cours de change du franc suisse resteront stables, ou un peu plus élevés, soit elle tente 0,50% et passe en territoire négatif. Plombant la vigueur des cours de change du franc suisse face aux principales devises étrangères.
Chacun y va de ses pronostics.
Mais cette nuit, Benjamin Netanyahou a modifié la donne.
L’euro qui semblait prendre le dessus sur le franc suisse avec un taux de change de l’EUR/CHF niché au-delà des 0,9400 EUR/CHF, et à quelques jours du rendu de la décision de la BNS, n’a pas résisté à une aggravation de la situation géopolitique au proche orient. Quand les Américains évacuent leurs représentations diplomatiques, c’est le signe que les armes vont parler et les marchés financiers vont probablement flamber. Même si Anthony Zurcher, correspondant de la BBC affirme que l’administration Trump était opposée à l’action israélienne qui vient selon lui saboter un processus de négociations avec l’Iran, les négociations étaient jusque-là dans l’impasse. Pour l’heure, parmi les bénéficiaires très indirects de cette action, qui viendront profiter des conséquences de l’attaque de cette nuit, figurent les frontaliers désireux de convertir leurs CHF/EUR pour profiter de taux de change extrêmement bas du moment. Cette nuit, les cours du pétrole brut ont flambés avec une hausse de 12 à 13% pour le WTI américain comme pour le Brent, temporisée depuis !
La fête est gâchée
Voilà de quoi enrayer la politique de la BNS qui a les mains liées depuis sa mise sous surveillance par les autorités américaines de ce que Donald Trump nomme, les « manipulateurs de taux de change ». Alors que les dirigeants suisses bataillent pour calmer la vigueur des cours de change du franc suisse, et ramener les paire EUR/CHF et USD/CHF à des niveaux plus supportables pour les exportations des entreprises suisses, l’attaque Israélienne de la nuit et les conséquences qui pourraient en découler interviennent au mauvais moment pour Berne.
L’EUR/CHF face aux taux d’intérêts.
L’EUR/CHF était cette semaine et jusqu’à hier en progression en amont de la réunion de la Banque Nationale Suisse. Mais en milieu de semaine, les nouvelles déclarations du président américain qui avaient poussé le dollar à la baisse face à l’euro vers un record de plusieurs années, ont entrainé le franc suisse avec lui. Les doutes des marchés, à peine blasés, à chaque déclaration de la Maison Blanche gardent une influence immédiate sur les taux de change des devises et des marchés actions.
Un franc suisse qui rassure.
Encore et toujours pris d’assaut sur les marchés Forex, l’EUR/CHF est victime de la réputation de devise refuge du franc suisse dont les taux de change bondissent chaque fois que le monde éternue. Réputation encore vérifiée cette fois-ci, pour le franc suisse. Moins violente face au dollar américain, très affaibli cette semaine, l’évolution des cours de change du franc suisse suit l’actualité, et se dégonfle au fur et à mesure que les marchés encaissent les conséquences possibles de l’évènement.
Il est tout de même heureux pour les autorités monétaires suisses, que l’attaque ne se soit pas produite la semaine prochaine. Leur « mise sous surveillance » par Washington, devrait les dissuader de vendre de grandes quantités de francs suisses sur les marchés pour renforcer leur portefeuille de devises à seule fin de renforcer leur réserve de devises étrangères. En ce moment, cela donnerait des arguments contre-productifs à la Maison Blanche à l’heure des négociations sur les tarifs douaniers américains. La BNS prendra t’elle le risque de convertir des francs suisses en euros et en dollars, sous l’œil critique et soupçonneux de Washington ?
Refuges toujours
A présent l’or flambe, les cours du pétrole modèrent leurs ardeurs, et les traders insomniaques ont fait de belles affaires, y compris ceux qui auront converti des EUR/CHF au milieux de la nuit, ou misé sur les cours de l’or et des valeurs pétrolières.
Une devise de réserve qui revient de loin
Ce jeudi était une journée de sell off sur le dollar américain qui souffre peut-être des 37 trillions de dollars de dettes américaines dont le poids réduit la capacité du gouvernement fédéral à engager des mesures efficaces (ou supposées telles). Cette dette abyssale met à jour des risques économiques systémiques et laissent la gestion entre les mains des banques centrales, donc fédérales. La semaine était jusqu’à hier favorable aux marchés obligataires qui seuls ont performés. La nuit proche orientale pourrait confirmer cette tendance et mettre des bâtons dans les roues de la politique économique « sur le fil », de l’administration Trump. Et ce, malgré la neutralité affichée des Etats Unis dans les attaques de cette nuit, et le risque de représailles. Que l’on y croit ou pas.
Des indices et des cours de change
Le dollar américain a cédé 100 pips face à l’euro. Le franc suisse est ancré aux taux de change des deux devises, et son évolution se situe quelque part entre celles des deux partenaires commerciaux de la Suisse. Les marchés devises étaient la star des spéculateurs hier, avec des écarts de taux de change inhabituels sur les paires de devises impliquants le dollar américain. Le dollar index censé évaluer la valeur du dollar face à un panier de cinq devises étrangères et incluant le franc suisse, a passé l’indice des 98,00, soulignant 100 pips de perte face au franc suisse et 90 pips face à l’euro. Le dollar américain n’avait pas atteint de tels cours de change depuis l’hiver 2021. Les traders qui convertissent des dollars et des francs suisses en euros ont néanmoins intégré la volonté de la Banque Centrale Européenne de faire une pause dans son programme d’assouplissement monétaire. L’on s’attendait à ce que le dollar américain tire avantage de la situation au proche orient, il n’en est rien. Le billet vert reste faible. Très faible. Il a perdu 12% depuis le début de l’année. Cela joint aux menaces de taxes douanières affaibli la position internationale du billet vert en tant que devise de réserve, au profit de l’euro et du franc suisse.
Inflation et cours de change
Le rapport sur l’inflation américaine paru cette semaine est une autre cause patente du recul du dollar. L’inflation sur les produits sous-jacents, hors alimentaires et énergétique (l’IPC) a reculé au mois de mai et demeure très en deçà des prévisions, ce qui pourrait faciliter la baisse des taux d’intérêts directeurs de la FED cet été. Donald Trump a sollicité la FED dans ce sens, afin de réduire le poids de la dette sur les finances publiques américaines. A suivre… Le même D. Trump qui annonçait hier qu’il enverrait sous quinzaine les missives aux pays concernés pour leur signifier les droits de douane définitifs imposés par les Etats-Unis. Une manière de leur forcer la main pour hâter les négociations ?
L’incertitude, alliée de l’EUR/CHF
Selon la Banque of Tokyo Mitsubishi, ces déclarations renforcent l’incertitude et la confusion qui règnent sur les marchés puisque les droits de douanes avaient été fixé… Les experts de l’établissement craignent un nouvel épisode de panique boursière.
Inflation, déflation, et EUR CHF
Avis du groupe Capital Economics
Selon une étude de la Banque Nationale Suisse, citée par le groupe Capital Economics, les taux de change structurellement élevés du franc suisse, devraient pousser l’inflation à reculer d’un demi-pourcent annuel. C’est la raison pour laquelle le groupe pense que la BNS va réduire ses taux d’intérêts pour les amener en territoire négatif dès la semaine prochaine. D’autant que l’inflation non sous-jacente s’affiche désormais en chiffres négatifs. Là ou de nombreux experts annoncent une réduction de 25 points de base, qui maintiendrait l’EUR/CHF à des taux de change comparables à ceux des dernières semaines, il n’est pas illogique de penser que la banque nationale recoure à cette extrémité pour paniquer les marchés Forex, et les forcer à vendre des francs suisses là où elle a les mains liées par l’administration Trump. En effet, cette semaine, la Suisse a été placée sur la liste des états sous surveillance pour manipulation de devises.
Franc suisse toujours plus solide
Le franc suisse s’est apprécié depuis la dernière réunion de la BNS, et a pris 3% depuis l’annonce des droits de douane par Donald Trump. L’impact à moyen terme des tarifs douanier américains finira par peser sur la demande suisse et à provoquer la déflation. Si un accord entre la Suisse et les USA est finalement trouvé, il a de fortes chances de contenir un volet sur les produits alimentaires, et de réduire les prix à la consommation. En France, les prévisions de croissance ont d’ailleurs été revues à la baisse. Il en va de même en Suisse.
L’attaque de cette nuit qui pousse les prix des hydrocarbures, est susceptible d’offrir une pause à cette baisse des prix à court terme. Mais ce genre d’évènements a montré par le passé son caractère épisodique, alors que la déflation semble systémique.
Avis d’UBS sur la décision de la BNS
Les experts d’UBS ont statué à l’inverse des précédents, prévoyants que la BNS ne devrait pas dépasser les 0,25% de baisse de taux d’intérêt. Ils s’appuient également sur le taux d’inflation qui a atteint un plus bas depuis la crise du Covid. Jeudi matin départagera tous les experts et la tendance qui orientera les taux de change pour cet été se dessinera en fin de semaine prochaine. Les experts de la banque considèrent que les tensions commerciales orienteront aussi bien les commentaires de la BNS que ses actions face à la probabilité d’un affaissement de la croissance économique mondiale. L’indice PMI suisse des derniers mois préoccupe l’institution et pèsera dans sa décision de jeudi prochain.
Mais les banquiers n’écartent pas totalement en fonction des développements la possibilité que la BNS ne tente un coup de force pour pondérer les taux de change du franc suisse. Les dizaines de milliers de frontaliers qui se pressent dans les bureaux de change et de change en ligne auront alors une drôle de surprise lors de la période des salaires, alors qu’ils viendront convertir leurs francs suisses en euros.
La semaine de l’EUR CHF
EUR/CHF
Nous avions laissé l’EUR/CHF sur un cours de change de 0.9385 EUR/CHF. Mercredi, alors que Donald Trump bousculait les marchés avec de nouvelles déclarations, la paire de devise butait sur une résistance de taux de change interbancaire à 0,9430. Il s’est maintenu aux alentours de 0,9400 EUR/CHF jusqu’à cette nuit, alors que le bombardement israélien déclenchait une panique nocturne, lui faisant tester un support à 0,9310 EUR/CHF. Chaque soubresaut de ces évènements géostratégiques devrait provoquer de nouveaux mouvements violent de la paire de devises.
A présent, l’EUR/CHF se négocie sur les marchés interbancaires pour des volumes de transaction en millions et milliards de francs suisses et d’euros à un cours de change de 0.9365 EUR/CHF.
USD/CHF
Le dollar face au franc suisse avait quant à lui entamé la semaine sur un taux de 0,8200 USD/CHF. Il n’a eu de cesse, comme nous l’avons vu, de perdre de la valeur jusqu’à l’attaque de cette nuit, 200 pips plus bas. L’USD/CHF était alors à 0,8060 USD/CHF, au plus bas de la semaine.
Le dollar, qui a connu face à l’euro un plus bas depuis 2021, a franchi les 1,1620 EUR/USD hier après-midi. Les évènements de la nuit auront ramené la paire aux alentours de 1,15 EUR/USD.
A présent, l’USD/CHF s’échange à 0, 8130 USD/CHF.
Notre rendez-vous de la semaine prochaine sera donc déterminant, avant d’aller planter les parasols sur les plages. Les entreprises suisses attendent fébrilement, tout comme les frontaliers, de connaitre les taux de change qui découleront des évènements en cours.
Marchés et commodités
Pèle mèle
Ce n’est pas une surprise, ce matin. Les marchés entament la journée dans le rouge. Mais rien de comparable avec le « libération day » de Donald Trump. Les places américaines qui ont clôturé avant l’offensive de la nuit en légère hausse, devraient suivre la tendance baissière de la journée. Le pétrole reste en forte hausse à +9% en milieu de matinée avec un baril de brut, brent en mer du nord qui cote encore 75,31 dollars à cette heure. Un grand nombre de navires passent par le détroit d’Ormuz dont 25% du gaz mondial. Ceci explique la hausse brute des cours.
L’once d’or, a passé 3440 dollars, et plus cette nuit. Elle laisse le sourire à ses détenteurs, avec un lingot à 89500 francs suisses, et un vreneli et un napoléon à 525 francs suisses à la bourse de Londres.
Le bitcoin se repli à 104800 dollars, soit 85240 francs suisses au cours de change actuel, ce qui parait peu par rapport à la semaine dernière si l’on considère la forte baisse du dollar américain.
SMI
Le SMI suisse affiche 12170 points en recul de 1,30%. Swiss RE et UBS, à -6% sur la semaine ont essuyé les plâtres des évènements de cette mauvaise fin de semaine boursière. Les sociétés d’assurances et de réassurance ainsi que les bancaires subissent les craintes d’un recul de l’activité et les conséquences d’un conflit systémique.
Après les plâtres, la consolidation ?
Les marchés subissent donc les conséquences mais sans panique, du conflit qui oppose Israël et l’Iran. Ils sont déjà rompus aux échanges qui en résultent. Les marchés pétroliers surtout, qui craignaient en cas d’accord sur le nucléaire iranien un afflux de pétrole bon marché n’imaginent plus une issue négociée à court terme dans cette partie du monde. Les cours de l’or noir flambent donc ce vendredi. Une mauvaise nouvelle pour les consommateurs finaux. Vous bénéficiez toujours de réductions sur le carburant. N’hésitez pas à les consulter sur le site de Ben S Shop change : https://bens-shop-change.ch/ avec le carburant club, comparez les prix des carburants et profitez des prix club avec l’application.
Quant à l’EUR/CHF, son sort est suspendu aux décisions des politiques et aux événements géostratégiques qui ont secoué les marchés. Nous en saurons plus la semaine prochaine.
Voilà pour notre analyse exhaustive de la semaine. Nous aurons l’occasion de développer nos analyses de la paire EUR/CHF plus avant la semaine prochaine, avec nous l’espérons, une vision plus claire de la situation.
Toute l’équipe de la rédaction de Ben S Solutions de Change vous souhaite un excellent week-end et sera ravie de vous retrouver au lendemain de la réunion trimestrielle de la Banque Nationale.
X.C.