Titanic, l’iceberg était trop gros
Nous nous retrouvons depuis trois semaines dans une ambiance de faillites bancaires, et de craintes de crise financière.
Et chaque fois, les autorités de régulation bancaire et les banques centrales arbitrent avec maestria ou dans l’urgence, et sauvent la planète finance. Mais pour combien de temps ? Jusqu’où le pourront-ils ?
Fortes de l’expérience des crises récentes, comme la crise des subprimes, en 2008-2009, qui, non régulées, non maitrisées, auraient précipités l’économie mondiale dans l’abime, les banques centrales, et notamment la Banque Nationale Suisse, ont joué leur partition… Avec une fusion gigantesque.
Cette fois, c’est le Titanic des banques Suisses, réputé jadis insubmersible, symbole de la Suisse, portant fièrement ses voiles et le nom de la Suisse, qui a sombré, après des années de gestion douteuse et d’affaires frauduleuses. On ne sait pas encore si le capitaine a coulé avec le navire, mais il n’y avait pas de canots ni de gilets de sauvetage pour tout le monde.
Affaire Archegos, affaires d’espionnage, Affaire du Mozambique, Greensill, Bermudes, Bulgarie, oligarques russes… les scandales à répétition et la gestion défaillante auront eu raison du géant financier. Le Crédit Suisse valait encore 43 milliards de francs suisses il y a 5 ans. Il est parti ce week-end à la casse, pour 3 milliards de francs.
Le crédit Suisse, la deuxième banque de Suisse n’est plus. Absorbé par UBS. L’action est passée à 0.76 CHF, contre un plus bas à 1.59 franc suisse la semaine dernière. Le taux d’échange a été fixé à 22,48 actions Crédit Suisse, pour une action UBS
0.9995EUR/CHF : On a frôlé la parité
Nous nous sommes quittés, vendredi dernier, avec un euro contre franc suisse à 0.9860EUR/CHF.
A l’heure à laquelle nous rédigeons ces lignes, l’EUR/CHF vaut 0.9870 sur le marché des changes. Dans ces séances agitées, le franc suisse a maintenu son cap, malgré la perte de deux de ses voiles, avec un plus bas sous les 0.9870 EUR/CHF, aujourd’hui, un taux moyen d’ouverture autour des 0.9900 EUR/CHF, lundi matin. Nous avons atteint un plus haut à 0.9995 EUR/CHF ! à 6h40 hier matin, le 23 mars, après l’annonce de hausse des taux de la FED et avant celle de la BNS, ce jeudi.
Pour les constantes :
Crude oil
Le baril de pétrole brut, à 74 dollars le baril la semaine dernière, passe la barre des 76 USD aujourd’hui. Si vous comptez passer à la pompe, en France, vous retrouverez une situation que vous avez déjà connue. Les grèves sur fond de conflit au sujet des retraites voient le risque de pénurie de carburant dans les stations, se profiler, avec déjà, des pompes à sec dans la région. A l’heure ou la Suisse se voit contrainte de liquider les bijoux de famille, la France s’enfonce dans un conflit social dur, dont on ne sait sur quoi il va déboucher. Grèves, manifestations monstres…
A Genève, on a encore du pétrole, mais on n’a plus qu’un géant financier. Mais quel géant ! Trop gros disent certains analystes.
Or et bourse
Pour les autres valeurs, notons que l’once d’or qui se porte bien en ces temps de doutes financiers, a refranchi la barre des 2000 dollars, à 1999 dollars l’once actuellement. Le SMI parti de 10400 lundi matin tourne autour des 10600 ce vendredi. Les marchés ont repris gout au risque, bercés par l’illusion que les banques centrales veillent au grain, malgré les pertes de confiance sur les valeurs financières et bancaires.
Cryptomonnaies
Quant au bitcoin, il est stable, à 28300 USD, soit 26000 CHF pour un bitcoin. Rappelons à ses détracteurs que la monnaie « virtuelle » coutait moins d’un centime fin 2009, passait la barre des 1000 CHF en 2013, franchissait les 16000 CHF fin 2017, avant de retomber vers les 3000 CHF, et de remonter à 50'000 CHF au printemps 2021. Un livreur de pizzas qui avait accepté des bitcoins, de clients qui ne trouvaient pas leur monnaie, avait ainsi fait fortune. L’histoire est célèbre.
Les monnaies virtuelles étaient censées supplanter le rôle des banques, pour des épargnants en perte de confiance et craignant une crise bancaire, des faillites en cascades, et la perte de leurs actifs. Ils s’étaient alors diversifiés en acquérant des monnaies virtuelles numériques et digitales.
Nous parlons de faillites bancaires.
Le crédit Suisse n’est plus,
Tous les épargnants ont récupéré leurs dépôts mais les investisseurs qui possédaient des obligations du Crédit Suisse ont tout perdu.
Et la FINMA, l’autorité de régulation des marchés Suisse de faire remarquer : Tous les risques étaient précisés dans la brochure. Les autorités, une fois n’est pas coutume, ont privilégiés les détenteurs d’actions. Mais celles-ci ne valaient plus grand-chose. 0.76chf par action.
Le codicille qui mettait en garde contre le risque de perte était rédigé comme suit sur le site de crédit Suisse : « En cas d’insolvabilité du débiteur, le remboursement n’est pas garanti. Pour les placements sur le marché monétaire du Crédit Suisse, il existe une créance envers la banque. » On peut le consulter ici : https://www.credit-suisse.com/ch/fr/clients-prives/investissements/par-soi-meme/obligations.html Risque de crédit des placements monétaires
Les détenteurs de ces titres de dettes ont normalement la priorité devant les actionnaires dans l'ordre de remboursement en cas de faillite. Mais les autorités suisses en ont décidé autrement.
16 milliards de francs d’obligations à risque ne valent désormais plus rien. Les cabinets d’avocats sont déjà débordés. Ce qui amène de nouvelles inquiétudes dans un marché obligataire qui pèse 275 milliards de dollar (252 milliards de francs suisses au taux de change actuel)
Les taux élevés fragilisent les banques.
Pourtant, la BCE n’a pas hésité à relever les siens la semaine dernière, et la BNS d’un demi point hier. Comme prévu. Comme annoncé.
La FED, dont la décision était très attendue, et qui avait prévu de relever ses taux directeurs de 0.50 points, s’est limitée à 0.25, envoyant un signal fort aux marchés : Nous continuons de lutter contre une inflation inacceptable, mais nous nous adaptons à la situation. La FED, Federal Reserve System, a déjà mis en place un arsenal de garanties et de lignes de financement énorme, qui a aidé à empêcher la chute de plusieurs établissements bancaires. Cela n’a pas suffi pour la First Republic Bank par exemple. Mardi, l’action de First Republic, l’autre géant en difficulté, de l’autre côté de l’atlantique, a vu sa capitalisation s’effondrer de 47%.
Histoire d’une faillite annoncée ?
Après 3 années de scandales et d’affaires diverses, le crédit Suisse était en très mauvaise posture. Le patron Irlandais d’UBS, Colm Kelleher, pour la saint Patrick, s’est offert à contre cœur le géant blessé, au lieu de déguster une bonne bière irlandaise dans un pub sur fond de coupe des six nations, Irlande contre Angleterre.
Nous en parlions déjà en octobre, alors que des rumeurs de faillite ont provoqué une fuite des capitaux des déposants vers d’autres banques à hauteur de 110 milliards de francs.
Le couperet
Mais c’est d’Arabie Saoudite, qu’est venu le coup de grâce, la semaine dernière, (voir précèdent billet d’information), lorsque le président de la banque centrale saoudienne, détenant presque 10% de Crédit Suisse, qu’elle a contribuée à sauver l’année dernière, a refusé le moindre investissement supplémentaire en des termes qui ont semé la panique. Il a sabordé lui-même son investissement.
Ainsi, même si les choses sont plus compliqués que cela, il est étonnant de réaliser que de nos jours, une phrase prononcée sur la péninsule Arabique a eu raison en quelques jours, de la deuxième banque du pays. De la deuxième banque de La Suisse. Le pays des banques.
50 pour 5000 milliards de francs suisses
Les 50 milliards de francs suisses injectés dans Crédit Suisse par la BNS, étaient assortis d’une exigence : Sa fusion avec UBS, devait être conclue dans le week-end et annoncée dimanche avant l’ouverture des marchés dans la nuit de dimanche à lundi. La fusion a été conclue au forceps, pour 3 milliards de francs suisses. Une bonne affaire pour UBS, qui n’a pas eu d’autre choix. Et n’en avait aucune envie. Mais il lui a fallu plier devant l’intérêt général, les trois autorités, FINMA, BNS et ministère des Finances ne lui ont pas laissé le choix. Il en allait de la stabilité financière mondiale : l'UBS a croqué le Crédit Suisse, non sans avoir négocié des contreparties considérables auprès de la Confédération.
Et c’est désormais un géant 100 fois plus grand, pesant 5000 milliards de francs d’avoirs sous gestion que dirigeront Colm Kelleher et Ralph Hamers, à la tête d’UBS.
Conclusion
Sommes-nous momentanément sauvés d’une crise financière ?
To big to fail
UBS est désormais deux fois plus « to big to fail ». Trop grosse pour sombrer. C’est une épée de Damoclès pour la Suisse et pour tout le secteur bancaire. Mais la banque est infiniment mieux gèrée que sa défunte consœur
Et si …
Thomas Jordan a déclaré « qu’une mise en faillite ordonnée aurait pu aboutir au risque de provoquer une crise financière majeure. Bien que l’on s’inquiète pour la réputation de la place financière Suisse, au vu du sauvetage de la deuxième plus grande banque Suisse, le président de la BNS a souligné le fait que le système bancaire suisse est et demeure « très résilient et robuste ».
Le franc suisse sous les 0,9900 EUR/CHF
Et le franc suisse tient toujours son rang ! Avec un taux de change bien en dessous de la parité à cette heure. Chatouillant la limite inférieure aux 0.9900, à 0.9870CHF pour un euro, et 0.9200 USD/CHF
X.C.